Chants du Moyen-Age
Ce petit trésor du chant liturgique qui se chantait encore à Lyon, au XVIIIe siècle, après l’Agnus Dei, pour les jours de fête d’obligation, a attiré l’attention des liturgistes et des musicologues.
Chant gregorien
Chant gregorien
Venite populi, ad sacrum et immortale mysterium et libamen agendum. Cum timore et fide accedamus, manibus mundis, paenitentiae munus communicemus ; quoniam Agnus Dei propter nos Patri sacrificium propositum est : ipsum solum adore mus, ipsum glorificemus, cum angelis clamantes : alleluia !
Traduction
Venez, vous tous qui appartenez au Peuple de Dieu ! Approchez-vous des Mystères saints et immortels et accomplissez l’action sainte ! Approchez-vous dans la crainte et la foi !
En présentant des mains pures, mettons en commun l’offrande de notre repentir : car pour nous, l’Agneau de Dieu s’est présenté au Père en sacrifice ; adorons-le, lui seul, et rendons-lui gloire avec les anges en criant : ALLELUIA !
Chant liturgique carolingien
Cette pièce est très ancienne. Toute pleine des grands thèmes eucharistiques que l’on rencontre chez les Pères de l’Église syro-antiochienne, en particulier Jean Chrysostome. (l’accès aux saints «Mystères» dans la crainte et l’orthodoxie de la foi, l’association des hommes avec les anges), elle atteste une pénétration, en Occident, de la piété byzantine.
Du point de vue de l’expression, on relèvera les mots liturgiques qui appartiennent au vieux fonds du latin chrétien : libamen, munus, communicare. Cette antienne appartient au répertoire gallican, avec la corde de ré, caractéristique de ce dernier, et, d’un point de vue liturgique, porte la trace d’un temps oú la communion dans la main était encore d’usage ordinaire dans l’Église latine.
Son plus ancien témoin manuscrit est le « Pontifical de Poitiers » (début du IXe siècle). Il s’agit d’un invitatoire à la communion, comme la Communion Gustate et videte que nous avons actuellement au 14ème Dimanche du Temps ordinaire ; ce ton d’invitation, à la fois grave et joyeuse, est particulièrement sensible dans la première phrase, avec la quarte ascendante sol-do sur la syllabe finale de mysterium qui est évidemment le mot capital.
Bibliographie
Ph. BERNARD, Transitions liturgiques en Gaule carolingienne. Une traduction commentée des deux « lettres » faussement attribuées à l’évêque Germain de Paris, Paris, Hora Decima, 2008, p. 352-353 (avec une bibliographie fournie sur cette antienne)
- G. IVERSEN, « Poésie liturgique et célébration eucharistique », dans N. BERIOU, B. CASEAU et D. RIGAUX, Pratiques de l’eucharistie dans les Églises d’Orient et d’Occident (Antiquité et Moyen Âge), vol. 2, Paris, 2009, p. 820-822. M. SMYTH, « Ante altaria ». Les rites antiques de la messe dominicale en Gaule, en Espagne et en Italie du Nord, Paris, 2007, p. 141-142.